Les étrangers du NRW votent ce week-end

Publié le par Sébastien Martineau

Cent deux conseils et comités d'intégration seront élus ce week-end dans toute la Rhénanie du Nord-Westphalie. Ces organes, principalement consultatifs, existent depuis longtemps dans la région, mais ont été rendus obligatoires en 2009, pour les villes comptant plus de 5.000 résidents étrangers. A Cologne, 19 listes se présentent pour occuper les 22 places attribuées par vote direct. J'ai rencontré Gonca Mucuk-Edis, ancienne membre du conseil d'intégration et aujourd'hui au conseil municipal de Cologne.
Photos-1 0319Alors que Lille s'apprête à créer son conseil des résidents étrangers, le Créli, Cologne s'est doté d'un Ausländerbeirat (conseil des étrangers) dès 1984, devenu Integrationsrat (conseil d'intégration) en 2004. Il faut dire que la ville comptait en 2008 près de 300.000 habitants issus de l'immigration, dont environ 170.000 n'ont pas la nationalité allemande. Parmi ceux-là, 64.000 sont turques.

Or, en Allemagne comme en France, il n'y a pas de droit de vote pour les étrangers non-européens. Un problème supplémentaire se pose en Allemagne : les étrangers (hors UE ou accords bilatéraux, comme avec la Suisse) n'ont pas la possibilité de double-nationalité. Pour pouvoir voter, il faut donc qu'ils deviennent allemands, mais renoncent à leur nationalité d'origine, ce que beaucoup refusent de faire. Il y a ainsi en Allemagne de nombreux étrangers qui vivent et travaillent depuis vingt ans, trente ans, parfois plus et qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer politiquement. En tout cas en dehors de ces conseils d'intégration.

« Cela entraîne que dans certains quartiers, il n’y a pas de réelle démocratie, car la majorité de la population est étrangère et ces personnes ne sont pas représentées », constate Andreas Vetter, le directeur du conseil d’intégration de Cologne.
Photos-1 0470Lundi soir, avait lieu la présentation des dix-neuf listes candidates pour l'élection de dimanche 7 février. A cette occasion, j'ai rencontré Gonca Mucuk-Edis, 33 ans, qui a siégé au conseil d'intégration et fait aujourd'hui partie du conseil municipal de Cologne.


Pouvez-vous me raconter un peu votre parcours et comment vous en êtes arrivée à siéger au conseil d'intégration?

Gonca Mucuk-Edis : Je suis née en Allemagne, à Hessen, de parents turques. Mon père vit aujourd’hui en Turquie et ma mère est naturalisée allemande. Je suis moi-même devenue allemande il y a environ un an et demi. Je travaille comme conseillère en relations publiques et je suis membre du conseil municipal depuis les éléctions de 2009, au sein du groupe SPD. J’ai toujours été très intéressée par tout ce qui touche à la formation, à l’égalité des chances et c'est pourquoi j'ai décidé de m'impliquer dans le conseil d'intégration.

Cette expérience vous a plu visiblement.

Ça n’a pas été simple. Je me souviens que lors des deux ou trois premières réunions du conseil d’intégration, je me suis vraiment demandée ce que je faisais là. Je me disais que ça n’aboutirait jamais à rien. Quand on ne connait pas le fonctionnement politique, c’est difficile de comprendre ce qu’il se passe. Comment se comporter en réunion ? Quand prendre la parole ? Tout cela m’avait l’air très abstrait, très absurde. Mais j’ai trouvé des gens qui ont pris le temps de m’expliquer, qui m’ont fait profiter de leur expérience. La politique c’est très pénible. Il faut toujours demander des précisions, toujours s’informer, toujours batailler. Ce n’est pas simple, mais ça fonctionne. J’ai du plaisir au travail politique. Ce ne sont pas que des réunions, loin de là. Il y a des groupes de travail, des manifestations. Et puis il y a des réussites parfois. Le nombre d’employés municipaux issus de l’immigration a augmenté, et ça c’est grâce au travail du conseil. La campagne pour le droit de vote aux élections locales progresse. De plus en plus de communes font pression sur le fédéral.

Photos-1 0321Désormais vous êtes au conseil municipal. Qu'est-ce qui vous a poussé a vous impliquer encore plus en politique?

Je suis entrée en contact avec le SPD quand j’étais au conseil d’intégration. Je partageais un certain nombre de valeurs avec eux, mais j’ai longtemps résisté à m’affilier. Je ne voulais pas. Mais au conseil municipal, on a plus de possibilité d’influence. Au sein des groupes politiques, au sein des commissions, le fait d’être là permet d’amener des sujets sur la table qui ne seraient même pas traités autrement, parce que personne ne s’y intéresse.

D’après ce que vous dites, le conseil d’intégration remplie bien sa mission. Mais ce n’est pas suffisant.

Le conseil d’intégration est un instrument, qui permet de répondre à des problématiques particulières.  C’est une toute petite chose, mais on a bien besoin d’un tel canal pour s’exprimer. Nous nous battons pour que le droit de vote aux élections locales soit reconnu. Ce qui ne veut pas dire que, s’il l’est, le conseil d’intégration n’aura plus sa place. Il y aura toujours des problématiques particulières aux étrangers.

Les candidats sont très jeunes et dynamiques cette année. On remarque aussi une forte présence des partis politiques traditionnels, qui soutiennent des listes. QU’en pensez-vous ?

Oui, c’est une mode dans toute la Rhénanie du Nord-Westphalie. Je trouve que c’est contre l’esprit dans lequel le conseil a été créé. Au conseil, il y a 22 places attribuées par vote direct, et 11 réservées à des membres du conseil municipal. Chaque groupe politique (Fraktion) a un certain nombre de sièges réservés. Les partis sont donc déjà représentés dans ces 11 membres. S’ils contrôlent une partie des 22 en plus, ça ne peut que nuire au fonctionnement du conseil.


De petits moyens. Le conseil d'intégration de Cologne dispose d'un budget de 350.000€ par an pour gérer trente-trois centres culturels, où sont menées des actions de formation, de soutien à l'apprentissage de la langue, de loisirs, etc. Il dispose par ailleurs de 7.200€ pour faire sa propre communication, qui ne dépend donc pas de la mairie. Le conseil se réunit environ huit fois par an. Il a le droit de donner son avis au conseil municipal sur n'importe quel sujet, y compris ne relevant pas de l'intégration. La réforme de juin 2009 (de l'article 27 du Gemeindeordnung NRW) laisse les communes assez libres de choisir les contours exactes et le mode de fonctionnement de leurs conseils d'intégration. Elle impose seulement de créer un tel conseil dans les communes comptant plus de 5.000 résidents étrangers. Comme souvent, la situation est assez variable d'un Land à l'autre concernant les conseils d'intégration.

Droits de vote et d'élection. Tout habitant de Cologne, Allemand ou étranger, âgé de plus de 18 ans, peut être candidat, seul ou au sein d'une liste. Par contre, seuls peuvent voter les étrangers, y compris originaires de l'UE, ainsi que les personnes naturalisées depuis moins de cinq ans. L'âge minimum est cette fois de 16 ans. La Ville de Cologne a estimé à environ 140.000 le nombre de personnes ayant le droit de vote pour cette élection. Lundi soir, 7.OOO personnes avaient déjà voté par correspondance et le taux de participation va probablement rester très faible. Des bureaux de vote seront ouverts dimanche dans tous les quartiers de Cologne.

Publié dans NRW

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